L’annonce par Emmanuel Macron, il y a presque un an à Belfort, de la construction de six nouveaux réacteurs nucléaires, avec huit réacteurs supplémentaires en option, a rouvert le débat de la relance du nucléaire français. Le projet de loi de simplification administrative censé accélérer la réalisation de ce « pari industriel » a notamment remis la stratégie nucléaire de la France sur la table.
Les fameux « EPR2 » ont donc polarisé les débats, pourtant, une autre mesure est passée un peu plus inaperçue, alors qu’elle est probablement au moins aussi importante pour le futur du mix énergétique français : la prolongation à 60 ans de la durée de vie du parc nucléaire déjà installé.
Construits entre les années 1970 et 1990, la plupart des réacteurs français passeront leur quatrième visite décennale dans les prochaines années, afin que l’ASN valide leur maintien en fonction. Or, les scénarios de RTE sur lesquels s’appuie l’exécutif tablent déjà sur une prolongation du parc nucléaire existant au-delà de 60 ans pour arriver à la neutralité carbone en 2050.
Lors d’une réunion du Conseil de Politique Nucléaire (CPN) ce vendredi 3 février, Emmanuel Macron a validé « le lancement d’études permettant de préparer la prolongation de la durée de vie des centrales existantes à 60 ans et au-delà », « dans des conditions strictes de sûreté garanties par l’Autorité de Sûreté Nucléaire », précise le communiqué de l’Elysée. C’est donc tout le paradoxe pour le moment : la stratégie énergétique de la France présuppose une prolongation des réacteurs qui doit encore être validée par l’ASN.
Et pour cause, si la construction de nouveaux réacteurs a occupé l’espace médiatique et la filière, la prolongation des réacteurs construits entre les années 1970 et la fin des années 1990 représente un enjeu énergétique tout aussi important. Dans le scénario de RTE pour atteindre la neutralité carbone en 2050 avec la part de nucléaire la plus importante dans le mix électrique, la prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans représente 8 GW, soit plus de la moitié du parc de nouveau nucléaire si 8 EPR2 sont mis en service d’ici-là (13 GW), et un quart si EDF arrive à pousser à 14 EPR2 (23 GW). Si la filière arrive à mettre en service les 14 EPR2, la production du nouveau parc nucléaire atteindra seulement deux tiers de la production maximale française atteinte au tournant des années 2000 et 2010.
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