Treize minutes et quarante secondes, accompagnées de graphiques et des cartes. Lors de son allocution ce mercredi 5 mars, Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots, ni éludé le niveau de menace que fait peser le nouvel ordre mondial sur la sécurité européenne. La mine grave et l’air martial, le chef de l’État a alerté sur « l’agressivité » de la Russie de Vladimir Poutine. Cette nation qui « viole nos frontières pour assassiner des opposants, manipule les élections en Roumanie ou en Moldavie » ou encore « teste nos limites ».
Dans un ton proche de celui qu’il utilisait durant les premières heures du confinement face au Covid en 2020, Emmanuel Macron a rappelé le revirement spectaculaire des États-Unis, qui « soutiennent moins l’Ukraine et laissent planer le doute pour la suite ». Une nouvelle donne qui, selon lui, oblige la France et l’UE à s’armer massivement pour faire face à la volonté de Moscou de démanteler l’Europe occidentale. « Face à ce monde de danger, rester spectateur serait une folie », a insisté le chef de l’État, avant de se glisser dans son costume favori, celui de chef de chef guerre, héraut d’une souveraineté stratégique européenne pour laquelle il prêche depuis son élection en 2017.
Illustrant son propos avec une carte de la situation militaire en Ukraine ou des graphiques dont un particulièrement explicite renseignant la hausse spectaculaire des capacités militaires de la Russie ces dernières années, le président de la République visait un double objectif : prendre l’opinion à témoin sur la réalité brûlante de la menace, et contrer le narratif russe qui pénètre en France comme dans d’autres pays occidentaux. Ce discours délirant, en vogue à l’extrême droite, consistant à faire croire que le Kremlin poursuit exclusivement un objectif de paix.
« Mettre en avant les chiffres quantifiant l’effort d’armement russe c’est brillant. Ça contre directement la propagande russe. Si la Russie cherche la paix, pourquoi s’arme-t-elle à ce point ? », observe pour Le HuffPost Philippe Moreau Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po, estimant que le chef de l’État a tenu « un discours réaliste et sobre » lui permettant de retrouver « sa figure de rassembleur » face à « à une vraie guerre et un ennemi identifié et qualifié comme tel ».
Réunion des chefs d’état-major européens la semaine prochaine à Paris, ouverture du débat sur une dissuasion nucléaire européenne placée sous le parapluie de la France, envoi de troupes en Ukraine une fois la paix conclue, guerre commerciale avec les États-Unis, réalisations concrètes d’une Europe de la défense sur le plan industriel et stratégique… Aucun des sujets sensibles qui accompagnent l’abandon de Kiev par Washington et l’arrivée fracassante de Donald Trump à la Maison Blanche n’a été esquivé par Emmanuel Macron.
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