"Désormais, l'abbé Pierre — pour tout le monde et particulièrement pour les personnes qui ont été victimes de violences dans leur vie —, c'est l'image d'un prédateur sexuel", pointe Adrien Chaboche, directeur général d'Emmaüs International. Baisers imposés, fellations forcées, propos à caractère sexuel... Alors qu'au total, 24 femmes accusent l'abbé Pierre de violences sexuelles (dont certaines peuvent s'apparenter à des viols, ou concernent des mineures), la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International ont réaffirmé leur "soutien total" aux victimes et ont annoncé, lundi 9 septembre, une série de mesures.
Changement d'appellation d'associations portant son nom, fermeture d'un centre mémoriel qui lui était dédié en Seine-Maritime, réflexion autour d'une indemnisation des victimes du prêtre décédé en 2007... Retour sur les derniers développements dans l'affaire abbé Pierre, notamment sur les révélations qu'apporte lundi une enquête sur la manière dont l’Église et Emmaüs ont couvert les agissements du prêtre. Les faits ont été dénoncés 17 ans après sa mort. Pourtant, selon des documents d'archives publiés par la cellule d'investigation de Radio France, l'abbé Pierre était au cœur de plusieurs scandales d'agressions sexuelles dès les années 1950, notamment au Canada et aux États-Unis.
Un jeune étudiant, témoin de gestes déplacés, avait notamment écrit à un proche de l'abbé. "J'ai vu tant de choses pendant le voyage, des façons d'agir du Père comme individu". En septembre 1959, la police serait intervenue suite à des plaintes alors qu'il séjourne dans une abbaye au Québec, mais l'affaire ne s'ébruite pas. Renvoyé en France, l'abbé Pierre se défend dans une lettre à un cardinal québécois qu’il soupçonne d’être au courant de ses agissements. "Tout est faux dans ces accusations, écrit-il. Jamais rien de ce genre de misères n'a existé, jamais cela n'a existé, où que ce soit."
Plus tard, en 1963, le théologien français André Paul a lui aussi vent des agressions commises par l'abbé Pierre. "Un prêtre québécois me révèle qu'[il] s'est livré à des agressions sexuelles sur des femmes, à Montréal, raconte-t-il. C'est pourquoi il a dû quitter le pays avec la consigne expresse de ne plus y revenir. L’affaire a été suivie par la police et les instances judiciaires. Le cardinal de Montréal est intervenu pour que l’abbé Pierre ne soit pas poursuivi, à condition qu’il ne remette plus les pieds sur place."
Au total, ces agressions sexuelles auraient duré plus de cinquante ans. Radio France a également interrogé un documentariste témoin d'un échange – dans les années 1990 – entre l'abbé Pierre et une jeune femme, à l'égard de laquelle il tient des propos à caractère sexuel. "Au bout de quelques secondes de conversation, l'abbé Pierre a demandé à cette femme s'il lui arrivait de penser à lui. Elle a répondu un peu gênée que oui, cela lui arrivait, relate le documentariste. Et [l'abbé Pierre] a enchainé en lui demandant : 'Est-ce que tu te touches en pensant à moi ?'".
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