"On est sorti de l'irrationnel, plus rien n'a de sens. On en est à se pincer pour y croire", soupire une ancienne ministre LR de François Bayrou. Après 27 jours de consultation avec les forces politiques, l'information est envoyée aux médias lundi dès potron-minet: Sébastien Lecornu sort d'une rencontre avec le chef de l'État et va se fendre d'une courte allocution sur le perron de Matignon. Pas besoin d'être devin pour le comprendre, le Premier ministre annonce rendre son tablier.
Sans acrimonie, le locataire de Matignon désormais officiellement démissionnaire regrette "le réveil de quelques appétits partisans" "non sans lien avec la future présidentielle" qui l'ont poussé à présenter sa démission. La pique vise Bruno Retailleau, en grande partie responsable de la chute du gouvernement et de l'explosion du socle commun. La raison: sa déception à l'annonce du casting gouvernemental qui ne compte que quatre membres des Républicains et le retour de Bruno Le Maire aux Armées, "le macroniste le plus carbonisé de la terre", dixit un député de droite.
Dans le camp présidentiel, c'est le pire scénario possible qui semble se réaliser, d'autant que le lendemain Sébastien Lecornu doit déposer un projet de budget au Parlement, dans un contexte financier particulièrement complexe. Rapidement, un nouveau plan est élaboré: demander à Sébastien Lecornu de reprendre son bâton de pélerin pour mener "d'ultimes négociations" dans les 48 heures et parvenir à "une plateforme d'action et de stabilité pour le pays". En cas d'échec, promis, Emmanuel Macron prendra ses "responsabilités".
Traduction du langage présidentiel: si le Premier ministre démissionnaire n'arrive pas à trouver un accord, le chef de l'État pourrait bien actionnier à nouveau le levier de la dissolution. De quoi donner quelques sueurs froides à la droite et à Renaissance qui pourraient bien sortir très abîmé de nouvelles élections législatives.
Comme si la situation n'était pas assez complexe, Élisabeth Borne lance à son tour un pavé dans la mare. À la surprise générale, l'ancienne Premier ministre, qui a porté la réforme des retraites, se dit "favorable" à la suspension du passage à 64 ans, se plaçant à rebours de la doxa présidentielle sur ce sujet. Le timing de la sortie de l'ex-Première ministre n'est pas choisi au hasard. Quelques heures plus tard, ce mercredi matin, les socialistes sont reçus à Matignon. Beaucoup pensent alors que Sébastien Lecornu va parvenir à toper avec les socialistes en lâchant la réforme des retraites. Le calcul semble d'autant plus crédible que le chef de gouvernement démissionnaire a de nouveau donné rendez-vous à la presse pour une allocution.
Et voilà Sébastien Lecornu à l'issue de ces différentes rencontres se rendre à l'Élysée avant que le suspense ne soit levée à 20 heures sur France 2.
Dans une étrange chorégraphie, le Premier ministre démissionnaire n'annonce aucun accord avec le PS mais affirme que "la situation permet" au président "de nommer un Premier ministre dans les 48 prochaines heures". "Il y a une majorité absolue à l'Assemblée nationale qui refuse la dissolution", assure-t-il encore.
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