Il parle tous les jours. Il parle partout. Mais plus personne ne l’écoute. François Bayrou entame sa tournée d’adieu, et ça s’entend. Depuis une semaine, le Premier ministre sature l’espace médiatique. Radios, télés, journaux : pas un jour sans une interview, une tribune, une déclaration. Il se rêve en professeur sévère d’une France insouciante, en prophète chargé d’alerter le peuple sur la catastrophe budgétaire qui vient. Oui, dit-il, nous vivons au-dessus de nos moyens, et il faudrait enfin ouvrir les yeux.
Sauf que les Français détournent le regard. Et que ses mots, à force d’être martelés, tombent à plat. Cette omniprésence ressemble à une fuite en avant. François Bayrou sait que ses jours à Matignon sont comptés. Alors il parle, encore et encore, comme un condamné qui veut graver son testament en direct. Avec une méthode : saturer l’espace, comme si parler plus fort et plus souvent suffisait à convaincre. Mais la pédagogie n’est pas une affaire de fréquence, c’est une affaire de crédibilité. Et François Bayrou, à force de répéter les mêmes alertes, donne l’image d’un Premier ministre esseulé, qui parle pour lui-même plus que pour le pays.Lui qui se voit comme un Cassandre tragique devient le donneur de leçons épuisé, persuadé que sa voix seule suffira à retourner l’opinion. Mais l’opinion, elle, est déjà passée à autre chose.
Le problème, ce n’est pas qu’il parle trop. C’est qu’il parle à côté. Sa méthode, censée rassembler, divise. Il prétend lancer un dialogue national sur les finances publiques, mais choisit la polémique pour y parvenir. Il accuse les oppositions d’avoir « passé l’été à la plage » — une manière de les rabaisser, de s’ériger en seul adulte responsable au milieu d’un Parlement de vacanciers. Résultat : il braque tout le monde.
Et puis, il y a la charge contre les « boomers ». François Bayrou avait juré qu’il ne ciblerait personne. Promis, juré : pas de bouc émissaire. Le voilà pourtant en train de pointer du doigt les retraités. Ce n’est pas seulement une maladresse : c’est une faute politique. En quelques phrases, il s’est aliéné une partie de son électorat naturel, celui qui avait encore une once de sympathie pour lui.
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