L'attaque de drones menée sur Moscou ce mardi 30 mai à l'aube a révélé que la guerre était à la fois réelle et proche, pas uniquement pour les Ukrainiens mais aussi pour les Russes –un message qui ne peut pas être de bon augure pour le président Vladimir Poutine. Au moins huit drones ont survolé la capitale russe très tôt dans la matinée, presque certainement envoyés par l'Ukraine (ou peut-être par des rebelles russes ralliés à la cause ukrainienne). Le Kremlin affirme que ses équipes de défense aérienne ont abattu ou électroniquement neutralisé tous les drones et que les dégâts subis par quelques immeubles résidentiels ont été provoqués par des éclats métalliques provenant des appareils lorsqu'ils sont tombés du ciel.
Que ce soit vrai ou non, cela n'importe pas. L'attaque démontre que le ciel de la Russie est poreux et que les civils russes sont vulnérables. Cette nouvelle réalité perturbe le récit que Vladimir Poutine a tenté de façonner dans les médias d'État russes –dépeignant la guerre comme quelque chose de terrible, certes, mais de lointain. La semaine du 22 mai encore, pendant que des milices pro-ukrainiennes franchissaient la frontière sud-ouest du pays et se battaient sur le territoire russe, Vladimir Poutine a fait comme si de rien n'était. Comme l'a rapporté le New York Times, le président russe a «remis des médailles, rencontré le patriarche de l'Église russe orthodoxe, accueilli des chefs d'État étrangers amicaux et papoté à la télévision avec un juge sur le fait que l'Ukraine n'était pas un vrai pays. [...] En public, il ne dit presque rien concernant le cours pris par la guerre et ne laisse pas transparaître grand-chose de sa possible inquiétude quant aux revers infligés à la Russie.»
Le vol des drones au-dessus de Moscou –quelques semaines après que deux drones ont frappé le Kremlin– complique la tâche de Vladimir Poutine dans l'entretien de cette fiction. Les attaques n'ont peut-être pas causé de gros dégâts matériels, mais des explosions ont été entendues et des fenêtres ont tremblé (certaines ont même volé en éclats). Les dégâts psychologiques, et potentiellement politiques, ne peuvent être ignorés. En théorie, ces frappes pourraient avoir un effet galvanisant sur le moral des Russes et renforcer le soutien des citoyens à la guerre contre l'Ukraine. Mais si la mollesse de l'armée russe sur le champ de bataille persiste, et si l'offensive imminente de l'armée ukrainienne fait une percée et reprend des kilomètres de territoire encore plus près de la frontière russe, alors ces pénétrations du ciel moscovite seront plus susceptibles de démoraliser les Russes; de les rendre concrètement conscients de l'existence de la guerre et de leur donner envie qu'elle se termine.
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