Plus de trois semaines après sa réélection, Emmanuel Macron s'apprête à annoncer le nom du successeur de Jean Castex comme Premier ministre. A priori lundi ou mardi, fait-on savoir. « Il a tranché », indique un élu au cœur des tractations. Ceux qui ont échangé avec le chef de l'État depuis le milieu de semaine dernière ont en effet senti « que les choses étaient calées ». « Mais quand je le teste, je n'arrive à avoir aucune information », s'exaspère l'un de ses fidèles. Seul le tout premier cercle – ainsi que l'intéressé(e) – est au courant. Le secrétaire général de l'Élysée, Alexis Kohler, est dans la confidence, ainsi que Jean Castex, actuel titulaire du poste. Son épouse, Brigitte Macron, est aussi probablement informée.
Pis, en évaluant les noms qui circulent dans la presse et dans les allées du pouvoir, ces messieurs ne peuvent s'empêcher quelques commentaires déplaisants. Avis à la Première ministre : en dépit d'un pouvoir qui se veut « progressiste », la misogynie est loin d'avoir disparu… « Le cheptel de femmes n'est pas nombreux, on en fait vite le tour », grimace l'un d'eux, peu inspiré par les profils censés tenir la corde.
Élisabeth Borne, 61 ans, est pressentie depuis plusieurs mois. Polytechnicienne, ancienne préfète de la région Poitou-Charentes, ex-dirigeante de la RATP, la sexagénaire qui revendique une fibre sociale est réputée pour son autorité et son sérieux en macronie. Ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, la macroniste a occupé plusieurs ministères clés depuis 2017, des Transports au Travail, en passant par la Transition écologique. Jamais élue mais candidate aux élections législatives dans le Calvados, Élisabeth Borne a les faveurs d'Alexis Kohler. « Une techno, un profil académique, la continuité », résume-t-on dans l'entourage d'Emmanuel Macron. Or, le président aurait à cœur de « poursuivre le dépassement politique » en nommant une personnalité qui ne serait pas directement issue de sa majorité. Et ces derniers temps, observe un stratège du pouvoir, « Élisabeth Borne n'a été associée à rien politiquement ». Si ce n'est Matignon, cette femme « redoutée » pourrait récupérer un poste régalien comme Beauvau ou les Armées.
Il y a aussi Valérie Létard, sénatrice UDI du Nord, âgée de 59 ans, dont le nom a fortement circulé en fin de semaine. Un « bébé Borloo », résume un élu qui la connaît bien, ancienne secrétaire d'État chargée des « technologies vertes et des négociations sur le climat » dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy. Cette élue locale centriste, assistante sociale de formation, proche de Xavier Bertrand, a soutenu jusqu'au bout Valérie Pécresse à l'élection présidentielle et s'est engagée dans la campagne des législatives des candidats Les Républicains dans son département. En mai 2017, Emmanuel Macron lui avait proposé le ministère du Logement et de la Ville, qu'elle avait refusé. « Elle n'est pas sympa, elle n'a jamais donné de signes et n'a aucun humour », étrille un sénateur de la majorité. « Elle est bien, mais molle du genou, un peu légère et pas très charismatique », décrit un ancien élu de la région.
Troisième option et vraisemblablement la plus solide : Catherine Vautrin. La patronne de la métropole de Reims, ex-LR qui a rallié Emmanuel Macron en février, s'impose aux yeux des bookmakers. L'ancienne vice-présidente de l'Assemblée nationale, 61 ans, ministre sous Jacques Chirac, est fortement poussée par Sébastien Lecornu et Thierry Solère, le duo d'influenceurs venu de la droite qui gravite autour du président. Ils vantent notamment sa maîtrise du Parlement, à l'heure où les rangs de La France insoumise et du Rassemblement national pourraient gagner du terrain après le scrutin de juin. « Le président regarde de très près, ça peut être la guérilla parlementaire permanente, voire le blocage total de l'institution », confie un intime. Problème : depuis vendredi, Catherine Vautrin subit un tir de barrage de la part de plusieurs figures de la macronie historique, à cause notamment de son combat contre le mariage pour tous, en 2013. « Pour moi, ce n'est même pas envisageable. C'est juste du carburant pour Jean-Luc Mélenchon », griffe un pilier de la majorité.
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