La présidente de la commission d’enquête sur le coronavirus de l’Assemblée nationale et ses autres membres ont auditionné ce mercredi le professeur Didier Raoult, défenseur de la controversée hydroxychloroquine. L’autoproclamé « Mozart » de l'épidémiologie a délaissé pour l’occasion sa célèbre blouse blanche pour une veste de costume et une chemise à carreaux. Le ton, lui, n’a pas changé : provocateur, voire un poil présomptueux, comme lorsqu’il glisse en souriant à ses auditeurs : « Je vous recommande de lire mon livre ». Pendant plus de trois heures, le directeur l’IHU Méditerranée Infection de Marseille a répondu aux questions des parlementaires, avec son sens de la formule. « Tout ce que je vous dis, c’est sur internet, c’est simple comme choux, vous pouvez vérifier ».
Didier Raoult a étrillé le conseil scientifique Covid, créé mi-mars pour conseiller le gouvernement dans la gestion de la crise sanitaire, et dont il s’est mis très vite en retrait. « Ce n’était pas un conseil scientifique. Moi j’en ai un à Marseille qui fait rêver le monde entier, je n’ai que des stars dans leur domaine. Un conseil scientifique, ce n’est pas une bande de types qui ont l’habitude de travailler entre eux et qui discutent en disant "et toi, qu’est-ce que tu en penses ?" », lance-t-il. « Je leur ai dit : "si vous voulez faire un vrai conseil scientifique, je vous donne la liste des dix meilleurs en France sur le coronavirus", là, il y en avait aucun ».
L’épidémiologiste marseillais reproche aux membres de ce conseil d’avoir pris des décisions politiques les dépassant. « Il fallait déterminer quels étaient les progrès scientifiques, ce n’était pas à nous de réfléchir sur le confinement, personne ne sait répondre à ça. Les décisions politiques ne nous concernent pas. Moi je voulais bien parler de sciences, de médecine », mais « dans ce conseil scientifique, j’étais un ovni ou un extraterrestre (...) Je ne suis pas un homme de réunions, je suis un homme de données ».
Eric Ciotti, député LR des Alpes-Maritimes et rapporteur général de la commission a lancé le professeur sur le dépistage. « Tout le monde reconnaît que vous avez été un pionnier en matière de tests au CHU de Marseille ». « Je ne suis pas d’accord avec la décision de ne pas généraliser les tests, alors que dès le mois de mars, l’OMS demandait aux pays de tester massivement », a répondu Didier Raoult. A l’époque, Olivier Véran défendait un « usage rationnel, raisonnable et raisonné des tests ». Mais selon Didier Raoult, cette décision du ministre de la Santé ne s’explique pas par un manque de matériel. « Il y a eu un mécanisme qui s’est fait : puisqu’on ne peut pas faire les tests, les tests sont inutiles. Mais ce n’était pas vrai. On pouvait faire des tests », critiquant au passage, une organisation « totalement archaïque ».
Didier Raoult s'est dit surpris de l'ampleur des polémiques sur l’inextricable débat autour de l’hydroxychloroquine, dont il a été un des principaux promoteurs. « Je ne connais pas Trump et je connais pas Bolsonaro, ce n’est pas moi qui leur aie dit d’utiliser la chloroquine », a-t-il ironisé. L’épidémiologiste assure n’avoir jamais connu de « telles tensions ». « Ca a pris une ampleur extraordinaire. Il y a des enjeux à un niveau que je n’ai jamais connu dans ma carrière, je n’ai jamais vu ça, et je ne suis pas un pigeon de l’année ». Didier Raoult a dénoncé une « faillite totale » des évaluations sur son traitement en France, balayant une question sur l’absence de randomisation dans ses propres études. « La randomisation est un phénomène, une espèce de standard très lié à l’industrie pharmaceutique, qui ne me convainc pas ». Le médecin a regretté que le gouvernement décide l’arrêt de l’administration de l’hydroxychloroquine, après l’étude de The Lancet, qu’il qualifie de « faux ».
Au passage, Didier Raoult s’est également interrogé sur le remdesivir, le médicament expérimental du laboratoire américain Gilead Sciences, prescrit dans plusieurs pays. « Je vous recommande de faire une vraie enquête sur Gilead et le remdesivir. Si vous regardez la structure de Gilead, ça fonctionne avec peu de produits, peu de personnels, mais qui a une influence considérable », a-t-il dénoncé, avant d’accuser les détracteurs de la chloroquine de conflit d’intérêts avec Gilead.
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